Interview de Maria Byrdina pour "Sports Tribune"
- Marina, je ne peux pas m'empêcher de vous poser une question récurrente mais importante, comment avez-vous commencé la gymnastique?J'avais huit ans et ma famille venait de quitter Vorkuta. Comme vous pouvez le remarquer, mon nom de famille est allemand. J'ai commencé là-bas, c'est à Vorkuta que les allemands construisaient les routes. Mes parents travaillaient énormément et ne pouvaient pas s'occuper de moi pleinement. Ils ont donc décidé de m'inscrire à la gym. C'était une bonne chose car cela m'a permis de ne pas traîner dans les rues, de rester en forme, de développer un bon maintien et ma féminité. Mon premier entraîneur était Elena Purkina. Maintenant, et depuis longtemps déjà, je suis coachée par Irina Cherkishkova. Ces deux personnes sont en tout point remarquables! Je les adore tout simplement.
- Quelle compétition avez-vous considéré comme cruciale ou significative dans votre carrière?Certainement les championnats nationaux de 2003. Je me souviens de cette compétition comme si c'était hier. J'avais terminé 3ème à la finale du ruban. C'était ma première grande victoire! A cette époque, les championnats se jouaient surtout entre les deux plus fortes : Alina Kabaeva et Irina Tchachina. Et moi, une jeune de 16 ans, allait interférer? Il ne faut pas oublier qu'il y avait aussi Olga Kapranova et Vera Sessina. Je ne rêvais même pas d'une médaille. Je suis entrée sur le praticable accomplir ce que je devais faire. J'avais l'impression que je n'avais pas su donner plus que mon exercice lui-même. A la fin, j'ai commis une petite faute, le ruban avait atterri sur mon nez. Je me tenais juste en face des juges, un sourire jusqu'aux oreilles et repoussant en soufflant le ruban...
- Et quand les résultats sont tombés?Après l'exercice, j'attendais que ma note apparaisse sur l'écran... Puis, j'ai entendu: "la 3ème place revient à Marina Shpekht!" Je ne pouvais pas le croire, je cherchais mon entraîneur des yeux, puis je l'ai vu, elle pleurait... de joie.
- Qu'est-ce qui a changé dans votre vie après cette médaille de bronze?J'étais certaine d'être sur la bonne voie. Vous serez d'accord avec moi, je pense, qu'il est important de savoir vers quoi on se dirige et pourquoi. Nous ne sommes pas des robots -entraînement-dodo-entraînement-. Il y a des moments où il faut simplement prendre le temps de reconsidérer les choses. Comme le style de nos exercices et l'évaluation bonne ou mauvaise des juges.
- Comment caractériseriez-vous votre style?Probablement comme de la danse. Selon moi, réaliser un exercice n'est pas moins important que sa composition. C'est la différence fondamentale. Ca ne me fait pas vraiment plaisir de voir ce que ce beau sport est devenu avec tous ces éléments de bonification. Je sais que certains disent que je ne fais que danser. Mais ça ne me dérange pas. Je cherche seulement à rendre mes exercices poétiques et vivants. Même s'il n'est en rien obligatoire que les passages relèvent du classique ou du lyrique. J'aime les compositions qui me permettent d'enflammer le public, comme le show que je propose à "Diskoteka Avaria".
- Vous êtes surement fatiguée après votre travail journalier?Biensûr, ça arrive. Mais ça ne sert à rien d'aborder ce sujet. Ce que vous rend le sport est tellement plus important. Surtout quand les entraîneurs introduisent des variantes à votre entraînement. Irina Chernishkova est très créative à ce niveau. Ca aide à se débarrasser des complexes de l'adolescence. Il est nécessaire de parler correctement, d'avoir la tête haute et de se regarder dans le miroir constamment.
- Marina, vous avez changé pour entrer dans l'ensemble et puis vous êtes retournée en individuelle?Il m'était nécessaire d'évaluer ma force et la situation car en Russie, toutes les filles sont fortes. C'est un phénomène unique bien que les ukrainiennes n'en soient pas loin non plus. Avec un tel plateau de gymnastes, je n'avais aucune chance de remporter une médaille à Pékin. Comme pour tout athlète, le rêve le plus beau est d'aller aux Jeux. Lorsqu'il y a une chance, il faut la saisir. J'ai donc décidé de tenter l'ensemble. Les filles qui le composent sont vraiment très douées. Elles m'ont passé leurs musiques pour que je puisse m'entraîner dessus mais au bout de quelques mois, j'ai réalisé qu'il serait impossible de faire partie d'une telle équipe et dans une période de temps aussi courte. Par nature, je suis 100% individuelle. Je suis déjà sur de nouveaux programmes avec Irina. En ce qui concerne la suite, advienne que pourra.
- Vous avez seulement 19 ans, mais vous vous exprimez avec beaucoup de maturité. Toutes les solutions vous viennent toujours si facilement?Pourquoi en faire une tragédie? Je fais ce que j'adore le plus, tout va bien, même si ma décision de faire partie de l'ensemble n'a pas été facile, je dois l'admettre. Quand elle l'a appris, ma grande soeur Ira m'a appelée et m'a demandé pour quoi je faisais ça. Elle semblait plus nerveuse que moi. Le plus triste, c'est quand mon petit ami a trouvé ce que disaient mes fans sur internet. Ils étaient déçus et ne comprenaient pas mon choix mais je dois dire que c'était très touchant et qu'ils m'aiment vraiment.
- Votre vie personnelle affecte-t'elle votre vie professionnelle?Mon copain est aussi un sportif. Il obtient de très bons résultats en karaté. Je dois dire que nous nous entendons très bien. Je n'essaye pas de dire qu'au début tout était facile mais tout est rentré dans l'ordre petit à petit. En outre, dans la vie et surtout en gymnastique rythmique, l'amour est nécessaire. C'est de là que je puise ma force.
- Que faites-vous en dehors de la gym?Depuis l'enfance, j'aime ramasser des champignons. J'aime me ballader dans les bois et me retrouver seule avec la nature. Quand je voyage, c'est toujours avec beaucoup de plaisir. Mais pas forcément concernant certaines capitales mondiales. J'aime les villes russes. Dans mon temps libre, j'en profite pour aller au cinéma avec mes copines d'entraînement. Récemment, nous sommes allées voir "Aurora", la tragédie d'une jeune fille de Tchernobyl, gravement malade, qui rêvait de devenir ballerine. Nous avons vraiment sangloté ce jour-là. Ces émotions sont très utiles, elles permettent à l'homme de gagner de la sensibilité et de trouver la paix.